Pollution suite à l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen

04/10/2019


Dans la nuit du 25 au 26 septembre l’usine de Rouen du géant Américain de la chimie Lubrizol a subit un incendie majeur qui a mobilisé pendant des heures plus d’une centaine de pompiers.

L’incendie a touché un lieu de stockage de ce site classé Seveso, contenant essentiellement des additifs, mélanges complexes d’hydrocarbures transformés, de composés à base de soufre, de phosphore, et d’autres produits destinés soit à renforcer certaines propriétés intrinsèques des huiles de base soit à leur en apporter de nouvelles.

Il s’est dégagé de l’incendie un panache de fumée toxique noir dont on a estimé la taille à plus de 130 kilomètres carrés.

Ce n’est pas le premier incident sur ce site qui en 1974, 1989 et 2013 avait été le lieu de fuites de mercaptan, le gaz utilisé pour « parfumer » le gaz de ville. Lors du dernier incident cette pollution avaient été ressentie jusqu’à Paris (plus de cent kilomètres) et dans le sud de l’Angleterre  (environ 200 kilomètres). Plus récemment, en 2015, une fuite avait entrainé la dispersion dans les égouts de la ville d’environ 2000 litres d’huile minérale.


Quelles sont les zones touchées par la pollution de l’incendie de Rouen ?

Plus de 200 communes, en Seine-Maritime, dans l'Oise, l'Aisne, la Somme et le Nord sont sous le coup d’arrêtés qui bloquent les produits alimentaires produits en plein air sous la responsabilité des exploitants, jusqu'à obtention de garanties sanitaires.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas plus de communes affectées.

L’institut royal météorologique a fait un communiqué indiquant que le nuage de pollution avait atteint la Belgique quelques heures seulement après le  début de l’incendie et que les émanations avaient poursuivi leur route plus au nord en direction des Pays-Bas.

Si on trace une ligne entre Rouen et les Pays-Bas on passe non loin de nombreuses agglomérations telles qu’Amiens, Lens, Lille, Roubaix, Gand, Anvers… Evidement tout dépend des vents qui dispersent la pollution sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres affectant des centaines de milliers de personnes sans tenir compte des frontières ou des déclarations officielles.


Quelle est la nature des produits stockés et dispersés lors de l’incendie ?

La liste des composés stockés a été diffusée par une communication de la préfecture le 2 octobre 2019. Cette liste qui ne recense que les tonnages les plus importants révèle la présence de composés divers issus de l’industrie pétrochimiques.

En brulant les produits chimiques ont créé des fumées et des suies qui contiennent des hydrocarbures aromatiques polycycliques, en abrégés HAP, et dont la plupart sont classés comme des substances cancérigènes par l’OMS  (cancer de la peau et du poumon) et sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens.

La suie présente dans les fumées et observée abondamment dans les zones touchées, sous-produit de combustions incomplètes est un dépôt carboné de couleur noire et d'apparence huileuse.

Les suies se présentent à un état particulaire d'un diamètre inférieur à un micromètre, ce qui les classe parmi les particules PM 2,5.
Leurs faibles dimensions leur permettent de s'introduire jusque dans les alvéoles pulmonaires.

Toxiques en elles-mêmes, les suies sont aussi un vecteur important de contamination, car elles sont entourées d’une enveloppe de carbone organique composée d’un mélange complexe d’hydrocarbures imbrulés, de divers composées organiques plus ou moins volatils dont des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), des acides, des PolychloroBiphényles (PCB), des alcools, des cétones, de soufre et de métaux.


Quels risques pour la santé dans les zones de retombées ?

Dès le 27 septembre un décret interdisait la récolte et la vente de récoltes et de produits d'origine animale dans la région de Rouen contrastant avec les déclarations de certains officielles comme la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne, qui déclarait :


«Effectivement, il y a une odeur très dérangeante mais pas de problème sanitaire»

Les préfectures elles recommandent  aux particuliers de ne pas consommer les produits souillés dans leurs potagers et jardins familiaux.  La toxicité des retombées de l’incendie est donc bien reconnue.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments considère huit HAP comme cancérogènes lorsqu’ils sont présents dans les denrées alimentaires (EFSA, 2008).

Le CIRC a réévalué les effets cancérogènes des HAP, et en a classé 15 parmi les substances cancérogènes avérés, probables ou peut-être cancérogènes (2008), et plusieurs cancers potentiellement liés aux HAP sont listés dans des tableaux de maladies professionnelles.

Les HAP ne sont pas les seuls composés toxiques concernés, les microparticules de suie pouvant agglomérer différents composés comme des métaux lourds, des PCB des hydrocarbures aromatiques, tous reconnus pour leur dangerosité.

L’alimentation est la principale voie d’exposition aux contaminants. La contamination des aliments peut se faire par le dépôt de particules aériennes sur les végétaux, ou accumulation dans les espèces animales (viandes, poissons).

Mais comme par l’intermédiaire des particules fines l’exposition peut également se faire par des particules fines dans l’air inspiré.


L'effet sur le long terme, ce sont des substances du type dioxine chlorée qui vont pénétrer dans l'organisme et qui vont y rester pendant des décennies. Ça va être stocké dans les graisses et ça va contaminer tous les organismes vivants. Et l'enjeu principal dans ce cas, c'est la protection des femmes enceintes, car le fœtus peut être impacté avec des conséquences extrêmement importantes. »

Pour avoir une information précise sur son lieu d’habitation ou de travail, en particulier en présence de personnes sensibles, enfants, femmes enceintes, il est utile de procéder de sa propre initiative un test de détection des résidus de combustion. Seul un test en laboratoire independant peut évaluer précisément le niveau de contamination réel et d’agir en fonction pour préserver la santé des occupants.

Le test de détection des résidus de combustion permet de savoir si la teneur en résidus reconnus toxiques, les HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) les COV (composés organiques volatils aromatiques, benzène, toluène, éthyl benzène, xylènes, naphtalène) formés ou transportés par les fumées lors de la combustion de matières organiques sont présents dans les poussières dans des teneurs dépassant les seuils recommandés.

Des recommandations pourront être délivrées et le cas échéant un nettoyage plus approfondi de l’habitation sera nécessaire.